Allah n'est pas obligé, Ahmadou Kourouma
Je
m'appelle Birahima. J'aurais pu être un sale gosse comme les autres
(dix ou douze ans, selon les sources), ni meilleur ni pire, si j'étais
né ailleurs que dans un foutu pays d'Afrique. Mais mon père pays
d'Afrique. Mais mon père est mort. Et ma mère, qui marchait sur les
fesses, elle est morte aussi. Alors je suis parti à la recherche de ma
tante Mahan, ma tutrice. C'est Yacouba qui m'accompagne. Yacouba, le
féticheur, le multiplicateur de billets, le bandit boiteux. Comme on
n'a pas de chance, on doit chercher partout, dans le Liberia et la
Sierra Leone de la guerre tribale. Comme on n'a pas de sous, on doit
s'embaucher, Yacouba comme grigriman et moi comme enfant-soldat. De
camp retranché en ville investie, de bande en bande de bandits de grand
chemin, j'ai tué pas mal de gens avec mon kalachnikov. C'est facile. On
appuie et ça fait tralala. Je ne sais pas si je me suis amusé. Je sais
que j'ai eu beaucoup mal. Mais Allah n'est pas obligé d'être juste avec
toutes les choses qu'il a créées ici-bas." Ahmadou Kourouma